Courmayeur Champex Chamonix 2007 : petit pas pour l'homme, grand pas pour Gratianne


L'aventure que je vais vous conter a commence le vendredi 25 Aout 2006 a Chamonix, France. Je me trouve alors sur la place du Triangle devant la maison des guides avec Papa. La nous tombons sur l?un de ses amis qui se lance dans une course qui me parait alors completement folle, comme bien de non-inicies autour de moi, quoique terriblement attrayante : The North Face Ultra Trail Tour du Mont Blanc, une course a effectuer en 46h maximum pour parcourir les 158 kms et 8500m de dénivele positif ; le tout en semi-autosuffisance.
Il y a pres de 2000 coureurs sur la place, certains sont excites, d?autres terrorises, d?autres ebahis : « Mais qu?est-ce que je fais la ? ». Vers 19h, le depart est donne. Et bien que spectatrice, je suis prise aux tripes par Vangelis, lance a pleine puissance et mes yeux se flouent d?emotion. Le moment est tres fort. Et il ne m?en faut pas beaucoup plus pour jetter a papa : « L?an prochain c?est moi que tu applaudiras ».

Depuis cette phrase s?est ecoule beaucoup de temps, beaucoup de regards de dedain lors de l?annonce de ma participation (ne serait-ce qu?au demi-tour), et beaucoup de doutes et de rancoeurs en decoulant. Mais meme si ces mots ou regards m?ont fait plier un instant, je ne suis pas un chêne mais un roseau, alors je me suis entrainee : courir, courir, courir, et oublier.
Le 8 Janvier 2007 je me suis donc inscrite pour le demi-tour pour commencer : Courmayeur / Champex / Chamonix, 86 kms, 4500m de denivele positif et 24h pour l?accomplir.

A J- 3 semaines, je suis embarquee a Bayonne pour les fetes, pour les 5 soirs?

A J- 2 semaines, je suis arretee 6 jours pour cause d?angine (basque) et antibiotiques?

A J- 1 semaine, je fais mes derniers entrainements a Cauterets, histoire de me rassurer et meme si j?y suis allee mollo, je contracte une entorse au genou?
Des lors, impossible de dormir sans petite pillule doucement appelée Stillnox.

A J- 2 jours, papa et moi arrivons a Chamonix. Le simple fait de passer devant la finish line deja installee : les nerfs lachent, je respire mal, faut que j?aille courir pour me defouler. Le souffle est court, le cardio monte tres haut? Je dors maintenant avec 2 pillules.

A J- 1 jour, on part a Courmayeur chercher mon dossard. Les listes de tous les coureurs sont affiches. Veteran, veteran, senior, veteran, senior? Il n?y a apparement pas beaucoup d?espoirs?
Vient alors mon tour : contrôle d?identite, contrôle du materiel obligatoire, et enfin, remise de mon dossard? Wouaw. La pression tombe immediatement. Un soulagement s?empare de moi : un an et j?y suis enfin. Ca y est, j?ai mon dossard, j?y suis, c?est parti. C?est maintenant un sentiment d?impatience qui me gagne.
2 pillules et je rejoins les moutons.

Jour J. Le reveil n'a pas besoin de sonner, je suis debout tres tot. Je descends dejeuner mais n?arrive pas a avaler grand-chose. Je me force mais ca ne passe pas. C?est pas grave, j?ai encore quelques heures pour manger.
Je remonte dans ma chambre, me prepare, essaie de ne pas paniquer, de ne rien oublier et pars prendre le bus avec Papa. Heureusement nous y sommes relativement tot mais il y a deja pas mal de queue : 30 min pour monter dans le bus, 30 min pour atteindre l?entree du tunnel, un mauvais stress monte? Enfin, 11h15 nous arrivons a Courmayeur, Italie.
Il y a deja beaucoup de monde sur la ligne de depart et beaucoup de spectateurs. Il y a beaucoup d?animation, de musique, d?applaudissement. Ca y est j?y suis? j?y suis?
Tous les concurrents elevent leurs batons au son de la musique et des applaudissements et a 12h32 le depart est donne.

J?ai decide de partir en queue de peloton pour ne pas me laisser emporter par le rythme des premiers. Je pars donc en trottinant mais pourtant, je vois que mon cardio est tres haut, merde, pas deja ! En fait ce sont les applaudissements et encouragements de la foule qui font que mon c?ur s?emballe tout seul? Mais ca porte, ca fait du bien. Apres une dizaine de minutes de course, la route ou nous sommes environ 15 de front, s?evanouit dans le mini chemin d?approche ou seules 2 personnes peuvent passer de front. Il se cree alors un bouchon, qui dure une trentaine de minutes : on avance d?un pas, on s?arrete, on avance d?un pas, on s?arrete. Mais loin de m?impatienter, je me dis qu?au moins je m?echauffe tranquillement pour cette premiere ascension. Apres 1h28 de course, je suis a Bertone, le premier checkpoint. Un coca et puis s?en va. Je suis alors 1366. Il y a ensuite une tres belle partie roulante et j?applique alors les conseils de Pierre, l?ami de Papa que nous avions croise sur la place du Triangle il y a un an et a qui je dois ma place sur cette course : je trottine, voire je coure quand je le peux, puisqu?en ce debut de course, il y a encore des embouteillages ça et la. 1h30 plus tard, j?arrive au refuge Bonatti, deuxieme checkpoint. Un helico nous survol et nous filme, un benevole me demande un sourire, que je lui donne volontiers : je suis bien. Je bois alors un ou deux cocas et je m?en va. Apres, il y a encore une petite partie roulante qui s?enfonce dans la vallee, en direction de cette immense mur : le Grand Col Ferret que nous voyons alors. Boudiou, s?est si loin et si haut ! Une lignee de centaines de coureurs s?etend vers lui, c?est surprenant. A 16h26, apres 4h de course, j?arrive a Arnuva (km17), le premier checkpoint barriere horaire. J?ai alors 30 minutes d?avance sur mon temps de passage colle sur mon baton, et que nous avions calcule avec papa, le tout malgre la demi-heure d?embouteillage. Et apres seulement 4h de courses, j?en ai deja marre des barres cereales !! Je me force quand meme a en manger, un petit coca et puis s?en va? La en sortant de la tente se trouve un photographe? Oups, j?ai surement encore des trucs colles dans les dents !! Je me glisse alors discretement (enfin, ce que je croyais etre discret !) derriere le Monsieur qui me precede mais ca n?a pas echape au photographe qui me lance : « Mais pourquoi elle se cache la demoiselle ? » Ce a quoi je reponds tout en accelerant : « Mais heu, non non, pas du tout, c?est mon rythme c?est tout !... »

J?attaque alors la montee vers le Grand Col Ferret qui culmine a 2500m+ et dont je me suis un peu rapprochee depuis la derniere fois que je l?ai evoque. Je discerne deja la tente Jaune North Face qui trone a son sommet et que l?on voit dans toutes les videos et qui m?a tant fait rever.
Dans la montee, on croise quelques personnes, certaines sont avec des cloches et nous applaudissent? Certains scandent nos prenoms, qui sont ecrits en gros sur nos dossards : « Allez Christiane !! » ? Heu? bon allez, pas le temps de batailler. Allez leur expliquer la prononciation, l?origine, etc? Pourtant Gratianne // Christiane? soit. J?attaque donc serieusement la montee du Grand Col Ferret. Je suis bien. Je croise certaines personnes en hypo ou avec des crampes, ils ont l?air d?aller alors je continue. Et je suis bien. Je relance, je double, je double, je suis bien. A 18h06 j?ai atteint les 2535m du Grand Col Ferret sans difficulte (bon, d?accord, les premiers y sont passes vers 15h15 mais soit?), en ayant double de vrais athletes, apparemment en grande difficulte. Mais j?essaie de ne pas trop me poser de questions. Au passage du bip, un sourire mutuel avec la benvole, une petite barre de cereales et ca repart, parce que, ca souffle et caille un peu quand meme? Mais avant de repartir, j?ai un flash : « Je suis dans Chamonix et je passe la ligne d?arrivee ». L?emotion commence a s?emparer de moi mais j?y coupe court, « Merde, mon cardio !! »

La descente est sympa, je me force un peu a marcher malgre mon bon etat parce que je garde en tete ces grands dadets balaises que j?ai doubles et qui me font douter? Mais j?avance. Je sais que je suis a peine entre les kilometres 21 et 25, et que donc je n?ai pas encore passe la mi-course. Mais j?avance. A ce sujet, il est vrai que je m?etais imaginer decompter les kilometres souvent : « Plus que 70 bornes, plus que 55, etc? » Mais apres ce moment, plus jamais je n?ai regarde mes batons ou etait mon profil avec le kilometrage. En revanche, des lors, je me voyais a l?arrivee. Je me voyais passer l?arrivee, pas seulement d?envie mais en toute connaissance de cause parce que je sentais qu?a moins d?une blessure, j?allais la passer, j?en etais persuadee. J?en avais pour preuve les sanglots dans ma gorge serrée. Enfin pas trop, parce qu?encore une fois, ca fait monter le cardio !!

J?avale donc les 17 kilometres de descente jusqu'à Praz-de-Fort sans soucis. Je suis alors en Suisse, une Suisse paisible, aux chalets en bois sublimes, avec leurs drapeaux en haut des mats. C?est calme et paisible.

Du cote de la Fouly je rencontre Cecile, 37 ans, qui roule bien et avec qui je decide de faire un bout de chemin. Vers 20h la nuit commence serieusement a tomber mais nous trottinons a bon rythme et ma frontale est au fond de mon sac alors que Cecile l?a a portee de main. Je decide donc de me mettre dans son dos, dans ses pas, pour ne pas nous faire nous arreter. C?est un peu perieux car nous passons une bonne heure dans la foret et les racines se cachent bien, quoique tres nombreuses et tres glissantes mais nous avancons. Alors mon genou se tort, je jure, ma cheville aussi, soit? Gratianne qui ne jure pas, c?est comme un bon brebis sans confiture de cerise noire, c?est une heresie !! La encore, alors qu?il fait a present bien nuit, il y a des gens, des jeunes, des vieux, qui applaudissent, qui nous applaudissent, et on ne s?en lasse pas ! Juste avant la montee vers Champex, je decide de mettre ma frontale, il fait vraiment noir. On doit etre au km 40 et il doit etre 21h30. En route pour Champex ou mon petit Papou m?attend?
La je perds Cecile qui peine un peu mais c?est la course, j?avance, elle m?assure de le faire de toute facon. Je suis donc encore une fois a bon rythme, au milieu d?hommes qui avancent bien egalement. Mais meme si je suis bien, c?est long, j?avais mal regarde mon topo en fait, surtout que je commence a avoir une fringale de la mort, mais je ne m?arrete pas, je suis trop bien. Mais qu?est-ce que j?ai faim !! La je m?imagine de bonnes pates, avec plein de fromage, et plein de coca !! Les pates dansent ensemble, et il neige du fromage? J?ai faim !! Sacrement faim !! 22h30, je vois des gens dans un dernier virage, je m?approche, je m?approche, oui ! C?est mon petit Papou ! Mais il ne m?a pas reconnue, il continue d?applaudir, probablement aveugle par ma frontale qui se rapproche de lui et le fait que j?ai pres de 70 minutes d?avance sur notre temps calcule ? Le temps que la piece tombe (sans rancunes mon petit Papou !) : « Ahhh la puce !! »? Yes papou ! C?est moi dans la place, je r?presente !! A TABLE !!! Et la, je deconnecte un peu, je le laisse prendre les rennes, je le suis, il m?amene a une table ou je m?assieds, defaits mes affaires avec son aide. Il fait atrocement chaud sous cette tente. Et je suis deja trempee (j?avais mis mon manche longue warm a la Fouly, 15 kms avant, alors qu?en fait, il n?a pas fait si froid cette premiere partie de nuit). Je vais me chercher des pates, des TUC, du fromage, un bon Flamby !! Et puis des pates a nouveau? La, un beau jeune homme avec une camera se rapproche? Merde, papa est parti faire un tour, je peux plus me cacher derriere? En plus je suis en train de manger mon yogourt, qui arrete pas de louper ma bouche? Bon, tant pis, moche pour moche avec les cheveux colles de transpi et les joues rouges de chaleur ? Ben, allez, je souris, et souris encore en attendant qu?il parte. C?est vrai que je souris parce que je me sens bien, encore, alors que je regarde autour et je vois des cadavres, des gens qui n?arrivent pas a bouffer, d?autres qui soignent leurs pieds (bon? ap !!).

Juste avant de repartir, je remets de l?eau, et la, horreur, ca se renverse, tout dans le sac, ahrr, enervement, papou eponge un peu l?eau mais surtout mes tensions? Pauv? papou. Mais il ne dit rien, me demande ce qu?il me faut d?autre. Ben, un petit bisou et c?est reparti.
23h15, je repars. Il fait plus noir que jamais mais le premier kilometre se fait dans Champex. Puis je tombe dans les bois. Et la, tres vite, petites nausees? Avec la faim, j?ai trop mange, trop vite, et il faisait beaucoup trop chaud sous cette tente, ou j?ai laisse Cecile qui abandonne? Je ne suis pas tres tres bien pendant une petite demi-heure, le temps d?arriver aux pieds de Bovine, LA montee soit-disant technique. J?attaque donc, mes nausees ayant disparu, sereine. Je ne suis jamais vraiment seule. Il y a meme un peu d?embouteillage au debut. Notamment trois personnes dont 2 qui disent : « Jambe gauche, la, marche a droite, leve un peu ton pied gauche ». Puis ils nous laissent passer avant que l?un d?eux trois ne nous lancent : « Ah ca n?avance pas beaucoup plus vite quand on n?est plus la?. !! ». Avant d?entamer ce CR je me suis rendue compte en lisant le forum que c?etaient 2 accompagnants d?un mal-voyant? Et moi qui avais de vagues nausees et un peu froid?

Je continue donc a avancer, encore une fois je suis bien, meme si les pierres-marches font parfois pres d?un metre de haut !! C?est comme si je faisais du saut en hauteur, je m?appuie sur mes deux batons et monte. J?avance. L?avantage quand on court de nuit c?est qu?on ne voit pas le sommet, donc on reflechit pas, on avance, on se dit que c?est peut-etre seulement 10m au dessus, alors on avance? Mais gare a toi si tu leves la tete !! Plusieurs fois j?ai eu la mauvaise surprise de voir des ribambelles de loupiottes, 200, 300m plus haut, qui serpentent et continuent de monter, encore et encore? Flûte, mieux vaut garder les yeux au sol. Il n?empêche que c?est sublime ! Merde, mon cardio !! (non il ne m?en faut pas beaucoup).
J?arrive en haut des 1987m de Bovine un peu avant 2h du matin. J?attaque alors la descente vers Trient. Pas facile : les genoux commencent a serieusement souffrir et faire souffrir? J?en vient presque a préférer les montees maintenant ! D?autant plus que l?on passe a nouveau dans des sous-bois aux pléthores de racines glissantes? Et je jure et je jure? Mais en fait, ca divertit les coureurs autour de moi? Apres une heure comme ca, j?arrive dans un petit village ou nous attendent quelques benevoles? Ah, Trient, je vais retrouver mon Ptit Papou? Mais non. Ces gentils benevoles qui nous sourient deviennent mechants lorsqu?ils nous disent qu?il faut continuer a descendre pour Trient qui est a une demi-heure encore !! Grrr? Alors?.j?avance. Et la, je suis a nouveau saisie par la vue : en face de nous (Trient est dans une cuvette) sillonne encore le serpentin de lumiere qui a deja entame la montee vers les Tseppes, l?ultime asension.
Trient : je retrouve Papou. Encore une fois ca fait plusieurs heures qu?il m?attend mais il a le sourire, et moi aussi. Mais il doit repartir, le dernier bus va s?en aller. De toute facon, je n'ai pas faim et ne suis pas fatiguee alors un petit coca et puis s'en va!

Les Tseppes : pas la plus difficile, mais alors, je l?ai vraiment trouvee la plus ch**nte !! En effet, 4kms pour 700m d?ascension sans difficulte mais quand on sait que c?est la derniere, que le plus dur est passe et qu?apres, c?est la delivrance, que le soleil va se lever et que le trace sera plat? et que Papou m?attend dans le froid?

J?ai un bon rythme pourtant, je pousse sur mes batons, je relance, je double, me fais un peu doubler aussi, pas beaucoup, je relance, j?avance et enfin j?arrive en haut. Il fait froid a cause du vent mais ce bip d?avant la redescente me rechauffe le corps. Ce sentiment est amplifie lorsque je regarde sur ma droite et voit la penombre s?eclaircir au dessus des sommets : il est 5h30 et le jour se leve et je vais rebasculer en France. France, pays de Chamonix... Mais la descente est tres penible, le terrain est extremement boueux et ca glisse, je jure, ca glisse, mes genoux me rappellent qu?ils sont la. Il y en a un ou deux qui me doublent et je me dis vraiment qu?ils ont acheté de nouveaux genoux, quelque part entre deux arbres? Ce n?est pas grave, j?avance. Au sortir d?un chemin d?une piste bleue tres casse-genoux, on retombe dans la foret et la, qu?elle n?est pas ma surprise, je retrouve mon Ptit Papou qui, transi de froid et d?ennui (ou d?impatience) a decide de venir a ma rencontre, connaissant a peu pres l?heure de mon arrivee a Vallorcine. Il est 6h50. L?heure d?un bon petit-dej me direz-vous? Mais, quoique je me sente bien, j?ai du mal a avaler 2 simples bout de quatre-quart. Mais je me force, parce que je veux finir vite et bien. Alors, un petit coca et puis s?en va? A toute? mon Ptit Papou, maintenant c?est a l?arrivee que je te vois.

Je relance, je double, et cela m?etonne encore. J?arrive a Argentiere, la vraie derniere ligne droite apres avoir passe le Col Des Montets (ridicule ! Ca n?est pas un col !), a 6 kms de Vallorcine, 1h10 apres. Il est 8h25.

Les 10 derniers kilometres se passent alors tres bien. Je suis gagnee par une vague d?impatience qui me fait pousser une nouvelle paire d?aile, en plus de celle qui m?a porte toute cette course. Je me mets alors a courir regulierement, je me force a trottiner voire marcher un peu quand meme, il reste quand meme 10 bornes, mais je coure quand meme, et je double, dont une personne, qui me lance : « Eh mais c?est Pau !! » La je me retourne et souris a cette dame en lui lanceant ! « Eh oui, c?est ca, vive le 6*4 !! » C?etait l?une des 3 personnes croisees la veille au petit-dej de l?hotel. Le trace n?est en fait pas si plat que ca et il reste encore 3 ou 4 mini-montees tres casse pattes qui me font proférer mes derniers jurons? Et puis enfin, on arrive sur les 2 derniers kilometres, a partir desquels je n?ai cesse de courir, je reconnais cet endroit ou je suis venue courir le premier jour de mon arrivee pour me defouler. L?heliport de la gendarmerie, le pont pour changer de rive de l?Arve, et puis, il y a de plus en plus de gens, qui applaudissent et felicitent, je leve mes batons, leur fais signe, comme a tous ceux que j?ai croises, on leur doit bien ca, et puis je passe sous l?arche Endurance Shop, je sais ou je suis, c?est la que j?ai pris le bus hier matin, et puis on passe devant le marché, il y a des bénévoles pour nous faire signe, je cours toujours, le monde s?intensifie, et puis les 250 derniers metres, je connais, virage a droite, ligne droite ou les applaudissements me font accelerer d?un pas certain sans que je puisse me controler, des larmes tapent a la porte de mes yeux mais je ne les laisse pas sortir, pas encore, virage a gauche, la grosse boule North Face rouge, j?ai la gorge serree, et dernier virage a droite pour la derniere ligne droite: je devrais profiter mais je sprinte sans m?en rendre compte, je ne suis plus maitresse de mes jambes, elles accelerent encore et encore, pour se rapprocher de cette finish line que j?ai reve de franchir depuis un an maintenant, ce moment que je me suis imagine tellement de fois est enfin la, j?y suis, je franchis la ligne en 1076eme (sur 1334 a l?arrivee) a 10h11 ce samedi matin 25 Aout apres 21h38s55 de course, et en tombant dans les bras de Papa, je laisse mes larmes couler. C?est un moment magique d?une incroyable intensite. J?en ai tellement reve, je me suis tellement fait le film de cet instant. Et maintenant c?est mon Ptit Papou qui pleure !!
L?emotion est si forte que je ne profite pas vraiment de l?instant, je ne fais meme pas de photo sur la ligne tellement je suis ailleurs.

Je retrouve Papa dans le patio des coureurs et retrouve Cecile, laissee derriere moi a Champex et venue expres pour me voir. Elle me congratule et je suis tres heureuse de la revoir.
Mais ce que je voudrais a present, c?est une bonne douche parce que je n?en puis plus de baigner dans mon jus. Je poque, c?est une atrocite !

A mon retour, nous allons dejeuner avec mon Ptit Papou (mais pas des pates !! Je n?en peux plus des pates !) avant de nous rendre a nouveau place du Triangle pour la remise des prix. Car, c?est pas tout mais, je n?ai pas seulement gagne mon defi, j?ai aussi gagne ma categorie ! En effet, je suis premiere espoir feminine ! Bon, sur 3, je vous l?accorde, mais j?aurais tres bien pu finir 3 eme !

Alors, lorsque le commentateur commence a annoncer qu?il va maintenant appeler les espoirs feminines dans un ordre decroissant, mon c?ur commence a battre. Il appelle d?abord la troisieme, qui n?est pas la, puis la seconde, qui n?est pas la non plus. Il dit alors : « Ah non, elles ne vont pas toutes me faire le coup ?? Alors, premiere espoir feminine, Mademoiselle Gratianne Daum ! ». Je me leve donc, et traverse toute la foule pour me rendre sur l?estrade? Je marche un peu peniblement car maintenant refroidis, mes genoux me rappellent qu?eux aussi ont fait la course, et que, a en croire par leur degres de manifestation, je leur dois tout? Je m?aggripe a la rembarde pour monter sur le podium et m?avance, selon les consignes du commentateur, pour recevoir les honneurs de la foule. Ce a quoi elle s?execute? pour moi ! C?est tres impressionnant et je ne peux m?empecher de sourire mais il est vrai que ca en reste tres impressionnant et malheureusement, je n?en profite pas trop. D?autant plus qu?a ce moment me rejoint sur scene la deuxieme espoir, qui du reste, est tres sympathique et nous partageons volontiers les applaudissements de la foule. Mais cela passe tres tres vite et il nous faut maintenant quitter l?estrade. Et de descendre ces marches est presqu?aussi dur que toutes celles du parcours rassemblees !!

C?est ainsi que se termine mon conte. Je ne puis vous dire maintenant si je me marierai, vivrai heureuse et aurai beaucoup d?enfants mais en resume, je crois que je peux vous dire cela :
je crois que pour la premiere fois de ma vie je suis fiere de moi (apres 22 ans d?efforts, je le dis enfin ! moi la fille qui agace par ses doutes incessants) parce qu?il y a un an, quand je me suis lancee dans cette aventure, il n?y en avait pas beaucoup qui donnait cher de ma peau ; mais leurs regards dedenieux et leurs mots acerbes ont nourri ma motivation. Je n?ai eu de cesse de penser a cette ligne d?arrivee que je franchirais. Au final et pour une premiere participation je n?aurais pu esperer meilleur scenario : je me suis sentie bien toute la course, pas une seule fois je n?ai eu de coup de bambou physique ou moral tant j?avais la rage de finir et de lancer a tous ceux qui n?ont pas cru en moi : « Regardez-moi maintenant, je vous ai bien « ---- » (mettez le mot que vous voulez, moi j?ai le mien).

Ca ne fait donc aucun doute ; je suis infectee par le virus des ultra-trails et, en attendant de me lancer sur le Grand Tour, je serai a Courmayeur en 2008.
En attendant, qu?il est dur de descendre de ma montagne, enfin, de mon nuage?


Je voudrais en dernier lieu remercier tres fort Pierre, pour tous ses conseils et astuces tellement utiles qui m'ont permis d'aller au bout de cette maniere, Papa, et tous ceux qui ont cru en moi (meme celle qui ne le montre pas)

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